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Le Coffee-bar

— Bernard de Bézenac

 

On était en janvier, la nuit était tombée et il faisait un froid glacial. Je m’engageai dans l’étroite ruelle qu’on m’avait indiquée. Tout au bout, je percevais une certaine animation qui détonait avec la tranquillité des quartiers alentour. Je découvris bientôt de petits attroupements de jeunes, certains avec sac-à-dos, qui bravant le froid discutaient à l’extérieur. Oui, c’était la bonne adresse, celle du « Coffee-bar » dont on m’avait parlé.

 

Depuis longtemps, en effet, je cherchais un endroit où je pourrais rencontrer des jeunes pour leur parler de ce que Jésus peut faire pour eux. Enfin j’avais trouvé.

 

Zone de Texte: SAINT VINCENT DE PAUL AU CHEVET D’UNE MALADE

 

 

Description : Bernal series; Vincent de Paul, seated, with food for sick woman in bed; artist: Bernal

J’entre. L’intérieur était sobre mais grouillait de monde — jeunes ou moins jeunes — assis autour d’une dizaine de petites tables. Ça discutait bien et on entendait des éclats de voix. Chouette, dans la masse je passerais inaperçu.  Je pars à la découverte des panneaux d’affichage sur les murs, histoire de me donner une contenance et de m’acclimater à ce qui se passe autour de moi. Mais je note qu’au comptoir j’attire l’attention : je semble même inspirer une certaine méfiance qui me met mal à l’aise.

 

Décidé à prendre l’offensive, je me dirige vers les deux serveurs, une femme et un homme qui semble magrébin. Je demande à ce dernier, probablement le responsable, si c’est bien là le « Coffee-bar » et si je peux commander quelque chose. Il me répond qu’en effet c’est bien là. D’emblée, je lui fais savoir que c’est le président-fondateur, un ami, qui m’a donné cette adresse et que je désire rencontrer des jeunes afin de parler avec eux, d’apprendre à les connaître, les comprendre, etc. Je pensais qu’il en serait heureux puisque telle était la raison de leur association, mais la méfiance que j’avais lue sur son visage se fit plus intense : 

 

— Vous savez, d’abord il faut qu’on parle... 

Je comprends aussitôt qu’il craint que je témoigne du Seigneur et que je ne suis pas le bienvenu. Après tout, ce n’était pas le genre d’endroit que je recherchais…

 

Ce coffee-bar a été ouvert il y a plus de trente ans par de jeunes chrétiens enthousiastes, comme lieu d’accueil et de rencontre, afin d’y partager leur foi avec d’autres jeunes. Comme je m’étais ouvert à un ami chrétien du désir que j’avais de trouver un endroit propice au témoignage, il m’avait recommandé ce bar, car il en avait été l’un des fondateurs et était devenu au fil des années le président de l’association qui en gérait les activités. Mais cette association, aujourd’hui sponsorisée (en majeure partie) par des organismes publics et non plus privés, était dirigée sur le terrain par des éducateurs spécialisés…

 

Bref, ce coffee-bar était tombé aux mains de l’État et des services sociaux !

 

Après tout, n’est-ce pas là le sort qu’ont subi presque toutes les grandes initiatives « humanistes » nées de la ferveur et de l’enthousiasme d’hommes et de femmes animés par un amour passionné pour leur Seigneur et remplis de la force de Son Esprit ?

 

Aujourd’hui, cette vérité est devenue politiquement incorrecte, difficile à admettre par nombre d’intellectuels « bien pensants », mais les chrétiens ont été à l’origine de la plupart des plus belles, des plus nobles, des plus altruistes réalisations de l’Histoire. Par exemple, on oublie souvent que les premières écoles pour les enfants de familles démunies ont été fondées par des chrétiens. Ainsi que les premiers orphelinats, les premiers centres d’apprentissage, les premières universités, les premiers dispensaires, les premiers hôpitaux, les premiers hospices et maisons de personnes âgées, les premiers efforts humanitaires à destination des nations pauvres, et tant d’autres... Les pionniers de l’altruisme ont été toujours été des hommes et des femmes de foi inspirés par la compassion d’un Christ qui leur a donné l’exemple.

 

Qui d’autre qu’un Père Damien (Jozef de Veuster) pour aller partager la vie des lépreux sur l’île de Molokai, lesquels avaient été abandonnés à leur sort par leurs propres gouvernement afin d’y finir leurs jours ?

 

Qui d’autre qu’une mère Teresa pour prendre l’initiative d’adopter et d’éduquer les enfants des rues de Calcutta, de s’occuper des laissés pour compte, d’accompagner les mourants, à une époque où le gouvernement était loin de pouvoir faire face ?

 

Que cela plaise ou non, les gouvernements et leurs services sociaux ont toujours été à la traîne de ces hommes et de ces femmes visionnaires et courageux.

 

Or, aujourd’hui dans nos pays « riches », ces grandes sphères d’activité ont presque toutes été prises en charge par les États. De cela nous pouvons grandement nous réjouir…

 

Sauf que ces sphères d’activité sont aussi devenues des « creusets » de l’incroyance et de « toute hauteur qui s’élève contre la connaissance de Dieu » (2 Corinthiens 10:4). Au point qu’il est interdit et dangereux d’y faire mention de sa foi ! On risquerait même d’y perdre son boulot !

 

Mais y a-t-il lieu de nous lamenter de cette apparente injustice de l’histoire ? Qu’à cela ne tienne ! Cet état de fait cache une formidable opportunité, que j’aimerais mettre en lumière.

 

Aujourd’hui les chrétiens sont en face d’un dilemme : doivent-ils prêcher l’Evangile ouvertement, au risque d’apparaître décalés culturellement, voire d’être rejetés ? Ou leur faut-il « faire du social » afin d’être acceptés, au risque de ne plus rien prêcher du tout ?

 

Bien sûr, il y a des pays et des situations où d’intrépides chrétiens animés de l’amour du Christ peuvent témoigner de leur foi en même temps qu’ils portent secours aux déshérités ; des situations où ces derniers pourront être aidés à la fois matériellement et spirituellement. Faut-il ajouter, entre parenthèses — c’est un fait méconnu et une autre vérité politiquement incorrecte — que cette aide spirituelle sera bien souvent la clé qui les libèrera des chaînes de la misère.

 

Mais j’aimerais revenir au dilemme cité plus haut, où se trouvent les chrétiens dans la plupart des pays soi-disant développés. Hier soir, nous en parlions précisément dans un groupe de chrétiens engagés. Lorsqu’il m’est venu à l’esprit que Jésus lui-même avait fait « du social ». À sa manière.

 

— Qu’est-ce que tu veux dire ? me demande-t-on aussitôt.

— Jésus n’a pas construit d’hôpitaux, mais il a guéri les malades. C’est encore mieux, n’est-ce pas ? puisque c’est pour cela que les hôpitaux sont faits et que Jésus, en même temps qu’il a guéri les malades sans toutes les complications qui vont avec l’hôpital, a démontré l’amour et la puissance de Dieu ! Jésus n’a pas organisé de soupes populaires, mais il a multiplié les pains et les poissons. C’est encore mieux, n’est-ce pas ? puisque, ce faisant, il a aussi démontré l’amour et la puissance de Dieu. Jésus n’a pas conduit de thérapies, mais il a guéri les cœurs et chassé les démons. C’est encore mieux, n’est-ce pas ? puisque, là encore, à travers tout cela, il a démontré l’amour et la puissance de Dieu...

 

— Mais ça, c’est quelque chose que lui seul pouvait faire, pas nous ! me rétorque-t-on.

 

— Mais alors pourquoi a-t-il dit : “Oui, je vous le déclare, c’est la vérité (notez l’insistance !): celui qui croit en moi fera aussi les œuvres que je fais. Il en fera même de plus grandes, parce que je vais auprès du Père.” (Jean 14:12, BFC)

 

— Tu veux dire que Jésus s’attend à ce que nous en fassions autant ?

 

— Il semble que l’Evangile soit clair là-dessus :

“Et voici à quels signes on pourra reconnaître ceux qui auront cru : ils chasseront des esprits mauvais en mon nom… ; ils poseront les mains sur les malades et ceux–ci seront guéris... Les disciples partirent pour annoncer partout la Bonne Nouvelle. Le Seigneur les aidait dans ce travail et confirmait la vérité de leur prédication par les signes miraculeux qui l’accompagnaient.” (Marc 16:17-20 BFC)

 

Où donc est passée notre foi ? Si Jésus attend cela de nous, il est impossible qu’il ne le fasse pas aujourd’hui, par Son esprit, à travers nous. Où donc sont passés les vrais croyants ?

En tout cas, vous conviendrez sans doute que si, armés de Sa grâce, nous les croyants, décidons de suivre l’exemple de Jésus en faisant le même genre de social que lui — ce qu’il nous enjoint de faire d’ailleurs — nous pouvons nous attendre à ce que l’Evangile retentisse comme jamais dans ce monde d’incroyance !

Alors debout, les croyants !